Thomas Richards, héritier de Jerzi Grotowski, écrit Travailler avec Grotowski sur les actions physiques. Il se présente comme le témoignage d’un homme qui nous fait part de la traversée qu’il a effectuée, de sa rencontre avec Ryszard Cieślak (en 1884) au premier pas du Workcentre. C’est tout à la fois un récit initiatique, une réflexion sur soi, un hommage à un maître et la proposition faite au lecteur de découvrir une technique théâtrale. Richards écrits tout : ses joies et ses peines, ses ratés et ses hésitations. On est très loin d’un ouvrage théorique qui nous assènerait d’office ce que sont « les actions physiques ». Au contraire, on les découvre progressivement, au rythme des expérimentations du héros/auteur. C’est en nous emmenant dans son histoire personnelle que Richards arrive à nous faire entendre et comprendre ce que lui-même a lentement apprivoisé au contact de Grotowski.
Dans L’heure fugitive le spectateur sent Cécile Richards se mouvoir, flotter, implorer, chanter et invectiver. Le tout en même temps, sans aucune pause, sans aucune réflexion. « Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie », en un souffle, en une heure. Ce n’est pas un personnage qui se présente devant nous, c’est un tourbillon de poèmes (on reconnaît entre autres Lamartine et Louise Labé), de chants, d’accents, de voix, de femmes toutes différentes qui n’en sont peut-être qu’une. On ne comprend pas tout, mais on voit beaucoup de choses dont certaines nous touchent bien au-delà d’un sens matériel.
Après avoir lu Travailler avec Grotowski, on aurait pu avoir l’impression de tout connaître de Thomas Richards. Avec l’Heure fugitive, on aurait cru enfin comprendre en partie ce qui parfois était resté un peu flou. Mais c’est en l’écoutant parler dans une salle pleine d’étudiants que l’on prend réellement conscience qu’en fait on ne savait rien. Ce n’était pas faute de nous avoir prévenu à maintes reprises dans le livre : on pense comprendre le travail des actions physiques après un stage d’une semaine, mais il faut des années de pratique pour toucher du doigt la profondeur de ce qui est en train de se jouer. De même, il faut bien plus qu’un livre et une représentation théâtrale pour percevoir l’ampleur du travail du Workcenter.
Thomas Richards, à quelques centimètres de moi, m’a fait l’effet d’un Dalaï-lama du Théâtre descendu de son temple pour une courte leçon de vie.
Ceci est la retranscription d’une rencontre avec Thomas Richards organisée par Arnaud Maisetti en novembre 2017.
Thomas Richards : Je n’ai pas une chose préparée. Je suis là pour vous rencontrer alors c’est bien de commencer avec vous. Peut-être vous connaissez quelque chose à mon travail, si vous avez des idées, si vous voulez me poser des questions et m’expliquer qu’elles sont vos centres d’intérêt. Arnaud m’a dit que vous vous étiez bien préparé ce matin… Qu’est-ce que vous avez préparé ? (Silence)
Matéo Mavromatis : J’aurais aimé vous poser une question en rapport avec le livre que vous avez écrit, travaillée avec Grotowski, que j’ai lu et dévoré, c’était absolument passionnant. J’ai remarqué dans ce livre que la préface était écrite par Grotowski, qu’il a un essai à la fin et même au milieu vous le citez. À chaque fois qu’il faut faire un point théorique, c’est la parole de Grotowski qui est retranscrite. À l’époque il était encore extrêmement présent dans votre travail. Il vous encadrer. Et j’aimerais savoir, maintenant que le Workcenter porte aussi votre nom, dans quelle continuité vous vous inscrivez : est-ce que vous continuez son travail ou vous le repensez ? Est-ce que vous appliqué sa théorie ou vous la re-inventé… Voilà votre rapport a l’héritage, comment est-ce que vous le prenez…
Thomas Richards : Alors, quand j’ai rencontré Grotowski j’avais presque le même âge que vous. C’était avant toute carrière, avant de commencer à comprendre ce qu’était le métier de l’acteur ou du metteur en scène. C’était un moment de frustration complète dans ma vie. Un moment de friction. J’étais à l’Université et j’avais le désir d’être acteur, c’était presque une nécessité… Même si j’avais un peu étudié la musique : saxophone, clarinette, flûte, compositions… Je ne savais pas si je voulais aller vers la musique, le théâtre ou peut-être les deux. Mais l’opéra lyrique, le cabaret, le music-hall, tout ça, ça n’allait pas. J’avais cette sensation d’être maladroit dans ma vie professionnelle et de ne pas savoir où était ma place.
À ce moment-là, j’ai travaillé avec Ryszard Cieślak – j’en ai parlé dans le livre que tu as lu – . Cieślak il était vraiment bouleversant : si tu le regardes qui marche dans votre université, il va toujours capter l’attention… pas à cause de ces vêtements, mais à cause de quelque chose qu’il a vécu. Tu es là et tu vois quelqu’un comme ça avec un élan, une vie qui lui apporte un truc… Moi petit étudiant j’ai dit : « Ça, c’est un dinosaure ». Vraiment, c’était comme un homme qui serait allé tout en haut d’une montagne et qui en revient. Et il y avait cette sensation, j’ai commencé à sentir l’importance des qualités humaines qu’une personne porte dans le travail, parce qu’on ne travaille pas juste pour nous même, on travaille en face à face. Et Cieślak il avait cette chose, pas juste une chaleur humaine, pas juste une sympathie, c’était une démence, dans ces yeux, dans la manière dont il te parle. Il te prend là et il te demande : « Qu’est-ce que tu veux faire maintenant ? » Et avec cette qualité de présence, tu savais bien que tu allais faire quelque chose, que tu n’allais pas t’échapper, ne pas faire un cliché ou faire quelque chose de banale face a lui.
Alors ça m’a donné la sensation que le théâtre pouvait être l’endroit où je pourrais trouver une réponse à certaines questions existentielles que j’avais à ce moment-là. La question c’était que j’avais vu autour de moi, et dans moi, une sorte de vide qui commençait à naître, je ne sais pas si vous ressentez la même chose. Par exemple pour moi c’était que le contacte, même entre les soi-disant amis, avait changé de qualité. À l’université j’ai vu que c’était devenu déjà un marché, qu’est ce que j’entends par marché ? (il se dirige vers un étudiant) « You’re my Friends ! Hello ! I’m Thomas ! Who’s your dad ? Oh you come from of the inside of New York… Oh great your dad’s a banker !». Et déjà on est en train, comme être humain, de placer notre avenir et les êtres humains deviennent des objets. Si toi tu étais un objet positif pour la carrière de quelqu’un peut-être que quelqu’un voudra de toi – parce que mon père était le chef de l’école dramatique – … Et c’est une forme de tristesse quoi, un type de sensation comme si quelque chose sous nos pieds commencés a changé, à devenir sec, à devenir froid ! Et j’ai vu que nous n’étions plus en train de nous regardé dans les yeux, on ce regardé comme ici (il indique les pommettes d’un étudiant). Alors vous êtes des acteurs peut être que vous avez déjà était sur scène et vous savez à qu’elle point il est appréciable de sentir le contacte vrais avec le partenaire sur scène. On a cette sensation d’interconnexion et j’avais soif de ça dans ma vie, dans le théâtre – et ça as peut être commencé à travers Cieślak, de voir sa présence, d’avoir un contacte avec lui – soif d’avoir un endroit dans lequel on pourrait même touchée des choses qui nous échappe dans la vie, qui se dissolve. Comme si le théâtre pouvait être un endroit dans lequel on pourrait chercher ça consciemment et le développé, le raffiné. Et finalement c’est ça notre métier, notre métier c’est d’être capable de vivre des processus humains qu’on doit étudier nous-mêmes, que l’on doit comprendre : « Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce c’est qui fait qu’une action est vivante ou morte ».
Et c’est à ce moment que j’ai rencontré Grotowski, et ta question c’était, et j’y arrive, qu’est ce qu’il y a de Grotowski dans mon travail aujourd’hui. En le voyant – encore plus qu’avec Cieślak ou d’une autre manière – j’étais devant quelqu’un qui avait une sorte d’éthique, même si ce n’est pas le mot… un manque de mécanicité ! Souvent dans la vie les choses passent comme ça (il fait un geste rapide avec un claquement de doigts) : Toi tu me dis ça et je dis ça ! Et ce n’est pas très souvent que cette mécanique est cassée, et la première fois que j’ai rencontré Grotowski il était en conférence, comme moi ici devant vous, et il y avait de grands moments de silence. Par exemple, il y a eu un monsieur qui s’est mis debout et qui a dit avec un accent américain (il imite la position de l’américain) « Monsieur Grotowski je ne comprends pas, tu fais ton travail de théâtre et après tu-tu-tu c’est plus du théâtre, q-q-qu’est-ce c’est vous faite là ? Tu fais une performance tu fais pas de performance tu fais – tu fais tu fais quoi ? » C’était une question polémique, alors j’attendais que Grotowski se défende contre cette polémique : Silence ! Le silence a duré peut-être deux minutes, et ce qui était fascinant ce n’était même pas le silence, c’était ce qui s’est passé dans ce silence. Parce que l’Américain a fini sa polémique dans cette position-là (position maladroite de l’américain) et après silence… Donc il prend conscience de son corps, alors il se dit : « Oh est-ce que c’était bête ce que j’ai dit ? Pourquoi il ne me répond pas ? Mais qu’est ce qu’il fait ? » Alors il change de position comme ça (autre position de l’américain mal à l’aise), il regarde autour de lui : « Qu’est-ce que les autres pensent de moi ? Est-ce que je dois m’asseoir. Ou pas… ou… » Et c’était comme voir, dans ce silence, l’être humain comme un oignon. À la fin de ces deux minutes, il était assis comme un petit chien avec la queue entre les jambes. Et après Grotowski a dit quelque chose. Et j’étais ravie de ça, pourquoi ? Parce que j’avais la sensation d’être devant quelqu’un qui, même avec le silence, faisait en sorte tu vois quelque chose de la complexité de la vie. J’avais la sensation de voire les intentions du monsieur, le faite qu’il était perdu dans son auto critique, que peut être sa question n’était pas vraiment une question, ce n’était pas une question importante, qu’il a dit quelque chose sans vraiment réfléchir.
Alors, travailler avec lui c’était comme ça, c’était être avec quelqu’un qui te regarde avec ce regard chaque jour, six jours par semaine, douze heures par jour (son visage se déforme en une mimique épuisée puis il mime une explosion avec ses mains). Et ça veut dire que c’est important qui tu as devant toi. Ce n’est pas qui ont est comme metteur en scène ou qui on est comme acteur. Si on demande tout à une personne, on doit tout lui donner. Et c’est là que tu vois les énormes qualités du travail de Grotwski, par exemple le film du Prince Constant ça vient de ça, ce type d’engagement du metteur en scène, face à l’acteur, face au travail, face au métier. C’est ce qui fait que ça ne s’échappe pas, on veut tous toucher le point le plus haut, le plus vivant possible.
Alors ça est-ce que ça fait partie de Grotowski ? Oui ! Est-ce que c’est encore dans mon travail ? Oui ! Je veux chercher jusqu’au bout. Parce que tu vois, je rencontre souvent cette question, à propos de la transition : qu’est-ce qu’il reste du travail de Grotowski ? Qu’est-ce qui vient de lui ? Qu’est-ce qui vient de moi? Mais derrière cette question, il y a une chose humaine : on veut toujours se distinguer. De mon papa par exemple : « Je ne suis pas mon papa, je ne suis pas mon maître ! Mon père a mis une veste comme ça alors moi j’en mets toujours une autre ! Je me distingue ! », mais il faut faire attention avec ça parce que, juste pour être différent ou unique, on peut jeté des choses qui ont une très grande valeur.
Alors comment ce distingué ? Et finalement est-ce important ? J’étais en train de parler de travail : entre Cieślak et Grotowski il y avait le travail, entre moi et Grotowski il y avait le travail. Et Grotowski m’a dit à plusieurs moments dans mon apprentissage : « Thomas, le travaille c’est être en train de travaillé le travaille », « the work is working the work »… Bizarre ! Alors le plus important c’est que je me distingue ou c’est que le travail soit vivant ? Qu’il ne soit pas en train de ce transformé sous prétexte qu’il est entre les mains de Thomas Richards, mais de se raffiner, d’être plus vivant.
Qu’est-ce que ça veut dire vivant ? C’est pas juste le travail, c’est aussi la question de la manière dont le travail existe aujourd’hui. Et aujourd’hui il est encore en train de changer, ça fait presque 20 ans que Grotowski est mort, le monde a changé alors le travaille doit ce développé, fleurir comme dans un jardin. Et il doit le faire dans le monde d’aujourd’hui. Je ne suis pas Grotowski, mais j’ai quand même toutes ses connaissances de lui. Et c’était difficile, tu n’y échappes pas, chaque inertie, chaque mécanisme, à chaque fois que ton action n’est pas vivante tu dois la répété, jusqu’à ce qu’elle soit vivante et avec tout ça la nécessité de développée ce qu’est le travaille. Mais je ne suis pas lui, ça veut dire que je dois me rencontrer moi-même, comme si j’étais quelqu’un d’inconnu, et ce faisant comprendre que moi j’existe, ici, dans le théâtre d’aujourd’hui, dans le monde d’aujourd’hui, dans la France d’aujourd’hui !
Alors ça veut dire quoi ? Quand Grotowski a fondé le Workcenter il était à la fin de sa carrière. C’était le top du top des metteurs en scène dans le monde entier, et il a décidé de ne pas faire de spectacle, mais de travailler sur les rituels, l’objectivité des rituels. Je peux continuer ça comme un cloître ou un héritage c’était une possibilité. Mais non ! D’abord à cause de quoi ? À cause du faite que je suis aussi responsable, dans un sens comme un père de famille, un père ou une mère de famille doit prendre la responsabilité de nourrir tout le monde. Ce qui veut dire que la famille doit trouver une manière de servir la société, sinon tu n’as pas de pain pour tous les acteurs. Alors au Workcenter on a dû trouver une solution, on ne pouvait pas rester dans un cloître, on devait ouvrir un dialogue, pas avec le public en générale, mais avec des personnes qui pouvait être nourri par notre travail. Et c’est comme ça que l’on avait trouvé une raison d’être en dehors de nous même. Comme si petit à petit une circulation s’était mise en place, comme elle peut se mettre en place après vingt années de travail où on est 6 mois, 7 mois en tournée. À cause de cette nécessité, mais qui ne vient pas d’un besoin de production, on ne va pas faire une publicité pour nous vendre – on peut faire ça dans le théâtre et ce n’est pas forcément gage de mauvaise qualité – mais ce n’est pas notre approche. On fait notre travail et nos projets. Par exemple on va être ici, et certaines personnes vont voir le travail et sa qualité va les toucher. Et on va avoir 4 propositions pour un nouveau projet, et dans ces quatre, deux vont fonctionner. Et on revient à la question initiale, la relation de vie, que j’avais sentie disparaître dans mes relations à l’université. Entre un être humain et un autre être humain sur le plateau on doit rétablir cette relation vivante. Entre une compagnie de théâtre et ce qu’il y a en dehors de nous, la vie, on doit, ou l’on peut vivre, établir cette relation vivante. Et ce n’est pas qu’allé au gouvernement pour demander : « Donnez-moi l’argent ! Donnez-moi l’argent ! » !
Okay j’ai dit beaucoup d’autre chose, et je vais arriver à conclure, mais pour l’instant j’aimerais entendre d’autre voix…
Étudiant 2 : Quelque chose qui me travaille peut être que je me trompe, mais comment arrive-t-on a parlé de soi et d’interaction, de complexité de la vie, comment on arrive a trouvé des réponses à des questions existentielles sur la vie, a faire du théâtre, en ne travaillant qu’entre soit ? Enfin peut être que je me trompe, mais le travaille de Grotwski était dans un lieu un peu à part, presque en autarcie pendant des années et j’ai du mal a comprendre comment on réussi à s’intégrer dans la vie, dans la société, dans le reste. Et à interagir avec ça tout en travaillant avec soi dans un univers restreint.*
Thomas Richards : Si j’ai bien compris dans ta question il y a deux choses. L’une porte sur le travail sur les questions existentielles, sur lesquelles il faut vraiment réfléchir avant de dire quoi que ce soit. Et l’autre porte sur notre manière de nous mettre en relation avec la vie. Il faut d’abord voir que ce sont deux choses différentes. On peut voir beaucoup de traditions qui travaillent sur la vie intérieure, et qui se font totalement dans l’isolation. Tu peux voir un ermite qui reste sur sa montagne pour travailler sur son existence, tu peux voir des moines, des soeurs qui restent tous ensemble dans un cloître pour travailler sur des questions existentielles. Ça, c’est une première chose.
On peut voir les gens dans leur vie quotidienne comme un travaille sur soi. Comme le travaille de Georges Ivanovich Gurdjieff, je ne sais pas ci quelqu’un ici a lu le texte de Gurdjieff ? Fascinant si vous travaillez sur l’anthropologie du théâtre vous ne pouvez pas l’éviter. Un homme qui a vraiment marqué la vie de Peter Brook. Alors dans le travail de Gurdjieff par exemple, son travail sur les questions existentielles était ancré dans la vie de tous les jours, dans la vie quotidienne…
Alors qu’est c’est que le travaille sur l’existence ? Grande question !! Ça veut dire qu’un homme (ou une femme) se dit à lui-même : « Je ne sais pas qui je suis ! Je ne sais pas qu’elles sont mes potentialités !» . Et c’est déjà une chose compliquée parce qu’on est toujours en train de nous définir : « Je suis ça, je suis ça, je sais ça ». Mais si je ne sais pas qui je suis, je peux voir des choses simples : premièrement j’ai un corps, deuxièmement j’ai des choses qui s’articulent en moi et qui sont comme dans mon corps, et troisièmement ma sexualité. Ça réside où ma sexualité ? C’est quoi ma sexualité ? C’est bien sûr une force très forte : Je suis dans un bus, je m’assis et dans le bus il y a une femme, là-bas, moi je suis hétérosexuel alors, même si je suis en train de lire un texte, quelque chose dans mon attention s’est dirigé vers elle, et même si je ne le veux pas, je cherche à la séduire. Avec ma manière de croiser les jambes, avec la manière dont je regarde dans l’autre sens, quand je la regarde je souris un petit peu, mais pas à elle directement. Ça nous pousse dans notre vie cet élan sexuel. Ça nous dit « oui » face à elle, « non » face a lui, « oui, non, oui, non », et je bouge et finalement je fais ce que me dit la nature, je fais des enfants !
Ça, c’est une qualité d’énergie évidente. Qu’est ce qu’on connaît d’autre, que l’on peut voir ? Dans la tradition japonaise on parle de haras, c’est dans le ventre, Boudha il a un très grand haras. Tu es dans ta voiture, tu conduis et là un monsieur traverse la route et (couinement) tu dévies ta voiture, tu sens une impulsion et tu l’as sauvé. Et cette impulsion a été plus rapide que ta tête, c’est un endroit qui s’est réveillé pour un instant, un moment de survie total. C’est comme si on était tous des samouraïs dans notre haras. Pa-pa-pa, tout est résolu. C’est aussi l’endroit qui fait que vous êtes ici. Pourquoi vous êtes ici ? « Parce que je travaille, je veux avoir mon diplôme ». Tu ne peux pas rester toute ta journée dans ton lit. Tu dois faire quelque chose : « je veux, je veux, je veux », ça vient de là cette impulsion. Je veux mon café, je veux faire bien, je veux…
Un acteur comprend plusieurs choses qui sont en lui : les sentiments. C’est quoi les sentiments ? Tu vois j’ai dit le mot émotions et je me touche ici (il se touche un endroit entre la gorge et le coeur). Pourquoi je me touche ici ? Et elle part d’où ma sexualité ? Et ma vitalité ? Où habitent les émotions ? Tu es avec ton amante et elle va partir pour trois mois et vous êtes dans l’aéroport et tu dis : « bye bye my love ». Et tu te tournes. Et tu sens un type de « AAAH » (il mime une douleur entre le ventre et le thorax). Vraiment, littéralement une dysconnexion, quelque chose qui était connecté et qui s’est déconnecté. Un type d’endroit en toi qui réagit qui comme une fleur, une fleur précieuse, une chose vivante.
Qu’est-ce qui parle dans notre tête ? Qui n’arrête jamais de parler ? « Oui ! Non! Je veux ça! Je veux ça! ». C’est comme un ordinateur complètement désordonné, qui dit n’importe quoi. Ce que vous pensez entre vos deux oreilles, est-ce que c’est vraiment entre vos mains ou bien juste une réaction de ce qu’il se passe a l’extérieur ? Quelqu’un te dit « Ah tu es très belle aujourd’hui tu sais, tu es très très belle». Et toi tu te dis «Je suis belle ! Je sens bon ! » Et c’est le début des émotions et ça influence ton corps. Et là quelqu’un d’autre te dit : « Tout va bien ? Tu es malade ? ». Et là tu va tout de suite devant un miroir, tu te regardes et tout en toi a changé : ta manière de marché, lente un petit peu plus dépressive. Et tu cherches autour de toi quelqu’un qui pourra te faire un compliment, qui pourra dire quelque chose de positif parce que sinon JE N’EXISTE PAS. La question de l’existence, qu’est-ce que c’est qui existe ? C’est comme si notre vie intérieure était complètement contrôlée par l’extérieur.
Mais il y a des moments dans votre vie ou pour un instant, tu ne sais pas pourquoi, quelque chose passe. Un jeune de votre âge un jour m’a dit : « j’étais en train de jouer au basket, on était fatigué, c’était l’automne, j’étais avec des copains. C’était la fin du match et j’étais en train de remettre mon T-shirt, et à travers la fenêtre, j’ai vu une feuille tombée d’un arbre, il y avait une suspension et c’est comme si une vague avez envahie tout mon corps, une vague d’énergie subtile. Et j’avais littéralement la sensation d’être transparent face à la vie.» On a tous des moments comme ça non ? Où par hasard, pour un instant, on est où on est. On n’est pas dans le futur, on n’est pas dans le passé, on n’est pas entre le passé et le futur. Et il m’a dit : « Ça m’a donné tellement de joie cette sensation ». Parfois un acteur peut avoir le même type de sensation : tu es avec un acteur sur le plateau, il y a un moment très très vivant, une connexion vraie. Tu sens ce qu’on lit dans beaucoup de texte théâtral : la transparence. Et c’est littéral, ce n’est pas une métaphore. Quelque chose passe à travers vous. C’est quoi ? En faîte ce n’est pas important de comprendre ce que c’est, mais ça donne une joie !! Ça donne la sensation que dans le moment présent ça existe. Un flux d’énergie, une qualité d’énergie qui n’est pas quotidienne, qui est accessible.
Alors qu’est-ce qui se passe si je regarde mon existence ? Un matin, j’ai fait des oeufs à ma femme avant qu’elle ne se réveille. Elle s’assit, elle est fatiguée, et elle me dit : « Tu as mis trop de sel ». (Mimique de profonde exaspération). Je dois partir tout de suite, parce que je dois aller travailler, je suis dans le bus, je m’assis à côté de quelqu’un et dans ma tête je me dis : « ma femme, merde, quand je reviens à la maison je vais lui dire ça, et ça, et ça, et ça. » Et le monsieur, parce qu’il a senti ma tension, change de siège. Parce que l’on contamine les autres. Et moi je ne suis même pas conscient qu’il a changé de siège. Qu’est-ce qu’il se passe en moi ? Où je suis ? Complètement divisée ! Mon corps est là. Le corps est toujours présent, mais ma tête est entre le passé et le futur. Qu’est-ce que ça fait à mes énergies ? Elle se disperse. L’état de mon existence c’est la dispersion. Si ça, c’est l’état de base, un moment précieux sera un moment de manque de dispersion. Ou pour un instant toutes mes potentialités, têtes, coeur, vitalité, sexualité, corporalité, sont dans le moment présent.
Mais c’est difficile d’y arrivé, ça devient un travaille, je dois travaillé sur moi-même, je dois voir tous les mécanismes qui me porte dans cette dispersion, je dois cherché d’abord a travaillé corporellement, parce que les émotions sont dures a travaillé. Stanislavski l’a analysée : je veux aimé cette femme, mais je ne l’aime pas, je veux aimé cette personne, parce que je suis homosexuel, je ne l’ai pas encore assumé, mais je l’aime. On ne peut pas contrôler les émotions. Et la tête c’est encore pire, elle va où elle veut. Donc on peut commencer avec le corps. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le corps sera toujours en réflexion d’où on est. Comme ce moment dans le bus, et ça c’est très important pour l’acteur, c’est toute la méthode des actions physique : comment le corps de l’acteur est une fenêtre pour voir ce qu’il se passe dans les intentions et dans la vie intérieure de l’autre. Tu es à côté de lui dans le bus et toutes mes petites actions montrent spécifiquement ce moment où je suis entre le passé et le futur spécifique que je veux.
Et ça nous amène à la seconde partie de ta question, la relation avec la société, avec les autres. Parce que le travail avec l’existence c’est entre toi et toi. Mais on doit lutter pour être dans le présent, dans un cadre, on peut le faire dans la vie quotidienne, mais c’est très difficile. Pourquoi ? Parce que la vie quotidienne c’est un endroit, comme dans les expériences scientifiques, pas contrôlées. La vie c’est un endroit dans lequel tu ne peux pas contrôler toutes les choses qui vont t’arriver. Alors peut-être qu’une personne n’aura pas les capacités d’aller vers cette présence dans ces circonstances très difficiles. C’est pourquoi les gens cherchent à faire une circonscription. Qu’est-ce que c’est une circonscription dans un rituel ? C’est la cérémonie. Par exemple dans l’Église catholique c’était la messe. On va faire une messe et c’est aussi une manière de chercher et donner un cadre spécifique dans lequel chacun sait ce qu’il doit faire. Comme ça je peux travailler sur la présence, je peux chercher à être où je suis. Je sais ce que tu vas faire, je sais ce que tu vas chanter. Et dans ce cadre protégé, on peut chercher cette ascension. Donc on a besoin d’une structure, on a besoin d’une équipe. Ce n’est pas obligé, mais au moins une personne à côté de toi qui es un ami vrai dans cette recherche, un ami vrai qui ne va pas te dire : « oui oui tu es beau !! ». Un ami qui pourra te rappeler pourquoi tu es là, il te dira : « On est là pour ça » !
Dans cette construction des amies, il y a aussi l’ermitage, on peut être une communauté vivante, comme une église, un monastère. Dans notre cas au Workcenter on est une équipe de théâtre. Dans notre travail, en regardant dans le temps, il a eu deux moments très isolés. On a passé presque treize ans en ermitage qui ont servi à 2 choses. La première : Grotowski avait la nécessité d’être clair dans ces choix : « Je ne veux plus être metteur en scène : c’est fini. Maintenant je travaille sur l’objectivité. Je fais des transmissions avec mon apprenti Thomas ». Deuxièmement, moi je ne savais rien, j’étais complètement immature, j’avais besoin d’une grotte où grandir en différent sens, professionnel, mais aussi dans la réflexion sur soi même, qui n’est pas un travail facile. Grotowski avait besoin, comme enseignant, de créer une situation protégée pour une certaine période de temps. Après 7-8 ans cette protection est devenue nocive et c’est à ce moment-là que c’est intensifié l’arrivée – pas d’un public – mais de gens invités pour voir le travail. On a fait des expériences dans d’autres pays, on a montré nos actions, nos pièces basées sur le chant traditionnel, structuré, où on fait ce travail sur soi-même. On a montré ça dans des endroits comme à Marseille. On a fait un projet ici il y a 20 ans. Et avec le Workcenter – qui a grandi avec le temps – cette ouverture a continué jusqu’à aujourd’hui où on fait notre travail dans des circonstances vraiment différentes. Par exemple, vous avez vu l’heure fugitive, qui est une pièce théâtrale frontale. Et dans cette pièce théâtrale, il y a le côté dramaturgie qui parle de la nécessité des femmes de rencontrer ce qu’elles appellent ce type de force invisible, un type d’axe dans leur vie. La dramaturgie porte sur ça, mais aussi l’acte d’une femme qui porte ça, qui en est la contenue. À travers la poésie, elle contacte ses différents centres énergétiques et un type de transformation énergétique s’est mis en place pendant le spectacle. On a une autre pièce qui s’appelle The living room basé sur des chants traditionnels. On invite les gens à être comme dans une chambre, on mange ensemble. Le travail performatif décolle d’une situation sociale et ré-atterri dans une situation sociale pour voir comment la qualité du travaille performance peut influencé, changer, transformé notre comportement social. Mon compagnon Mario Biagini, le directeur associé du Workcenter qui a une autre équipe, a fait un travail dans les bars avec les gens, leur bière et leur cigarette. Des endroits où les Grotowskien diront : « Non on n’ira jamais là ! ». Et là-dedans il avait des actions incroyablement vivantes ou le même processus était recherché. Même dans les bars dans les discothèques ou dans un concert de Rock n Roll.
Alors pour revenir à ta question on ne fait pas ça pour se distinguer, mais pour rencontrer qui on est, qui on peut devenir, qui on doit devenir.
Arnaud Maïsetti : J’avais aussi une question par rapport à ceux qui nous on rejoint et qui travaille sur la relation avec le spectateur. Le garçon qui a vu la feuille tombée s’est retrouvé transparent face à la vie. Est ce que c’est ce type-là de relation que le Workcenter cherche. Une transparence face à l’autre, face au spectateur ? Comment on qualifierait la relation chercher ? Et c’est aussi ce que disait Anaide, qui à une grande richesse de pensée, comment on passe du training à la relation avec le spectateur ? Comment on passe de soi à l’autre par le théâtre ?
Thomas Richards : Tout ce travail de relation avec le spectateur s’est vraiment compliqué. Parce que si ce que je dis est vrai, on cherche à faire un travail de transformation de nous même. Et finalement on peut se demander si ça sert au spectateur ou pas. Et jusqu’à quel point ça sert au spectateur ! On doit toujours avoir une attention incroyablement forte face aux différents types d’impulse où d’intention de l’acteur. Par exemple, si je suis sur scène ou si Cécile est sur scène, et pour le temps de 3 secondes, elle est attirée par le faite dont ces deux personnes parlent. Qu’est-ce qui peut se passer en elle comme être humain ? « Ah je ne suis pas intéressante ? ». Et elle va commence à entré dans une polémique même pour 3 secondes : « Ah je veux capter ton attention !! » . Et après le spectateur nie l’attention et on cherche – comme le font les mauvais acteurs – à séduire le public ou à être sympathique. Et toutes ces raisons d’être sur scène son perdu.
Ce processus de transparence n’est pas face au public, ce garçon qui a vu cette feuille, il n’était pas là pour les amis qui le regardais, il était LÀ et peut être justement parce qu’il ne voulait rien de personne. Pendant un instant il n’était dépendant de rien. Parce que l’attachement au futur ou au passé crée le manque d’indépendance. Je suis dépendant de ce que ma femme m’a dit. Si le public ne réagit pas comme je veux, alors je suis dépendant de ça. Et on perd cette transparence dont je parle et qui est une transparence face à des énergies, un type de connexion entre les énergies quotidiennes qui sont en moi et quelque chose de beaucoup plus grand. Les gars ! On est dans une très grande machine, vous vous rendez compte que vous êtes sur la terre, excusez-moi !! La terre qui tourne à une quantité de kilomètres-heure, qui tourne autour du soleil qui bouge très vite vers un point précis de la galaxie. On est dans une grande machine à laver ! Et peut-être que le temps d’une action, ce monsieur qui a vu cette feuille tombée a quelque chose en lui, un type de circuit ancien qui s’est réveillé face à un mouvement beaucoup plus grand que lui. Quelque chose en dessous de ses pieds concrets, subtils, va percé, le traversé, et quelque chose va arrivé. Et c’est ce type de transparence que l’on va rechercher dans notre travail. Et une certaine indépendance doit être établie par l’acteur face aux autres, car il y a la possibilité d’être devant quelqu’un qui ne joue pas, je suis face à toi et j’accepte que tu me voies. Il y a eu un moment dans mon apprentissage ou un grand homme de théâtre, un ami de Grotowski, doit venir voir mon travail. Je travaillais tout seul avec Grotowski, personne n’avait jamais vu ce travaille, et un autre monsieur va être là et regarder ce que l’on fait ensemble lui et moi. Et il m’a dit : « Quand cet homme rentre dans la salle, tu dois marcher face à lui et ton intention doit être de regarder et de dire : « je te laisse être ici pour voir ce que je fais ! » ». Déjà à ce moment-là dans mon apprentissage, il était important de me dire : « Attention tu dois avoir la même attitude, lorsque le spectateur n’est pas la, je fais ça pour moi-même, ah maintenant ils sont là, ils peuvent regarder ». C’est une relation très importante parce que qu’est-ce qui cette passe ? On le sait tous, ce qu’on veut dans la vie s’est conditionné l’avis émotionnel de quelqu’un d’autre. On imite le processus émotif de l’autre. « Je veux qu’il me donne un bisou », et lui se dit : « mais non ». Parce que je ne respecte pas ses désirs, je suis dépendant de lui et ça a créé le refus. Alors dans ce type de transparence, s’il y a une circulation des énergies qui ce met en place, l’autre à la possibilité de le percevoir ou pas, et ça, c’est okay, quelqu’un peut ce connecté, le comprendre, même intuitivement, être percé par ça, parce que les êtres humains peuvent être très très sensible. Ou quelqu’un d’autre peut être hermétique, dire « je ne comprends pas » et c’est okay aussi. Et c’est finalement ce type de relation que l’on cherche à établir. Et petit à petit, ça construit les relations entre le travail et une personne qui est intéressée par le travail. Ça peut être un philosophe, un spectateur, un organisateur de projets. Qui honnêtement souvent font des projets probablement parce qu’eux-mêmes on des questions sur leur vie, qu’est-ce qui marche et ne marche pas et aussi des questions profondes existentielles.
Étudiant 3 : Donc le travail visera toujours une relation indirecte et pas directe . La relation indirecte permet à chacun de son côté de mieux ce développé que la relation directe.
Thomas Richards : Dans un certain sens. Par exemple dans le parcours de Cecile dans l’Heure fugitive, il y a des moments de contact direct, ou c’est même joué, ou le partenaire est le public. Et comme dans la vie quotidienne si tu es mon partenaire on veut toujours avoir une influence sur les autres. On est toujours en train d’être influencé ou de chercher une influence. Alors dans ce sens-là non, il y a des actions, il y a un moment dans le spectacle ou elle va parlé avec ironie du manque d’indépendance d’une femme et elle part de toutes les petites choses qui peuvent être dans la tête d’une femme qui a peur du jugement des autres. Et dans ce moment, l’objectif de l’actrice est de porter le public dans une réflexion sur ça, comme on porte un partenaire dans une compréhension ironique du sujet pour qu’il comprenne l’irone, qu’il y est une réflexion de cette relation dans tous ces automatismes et du thème aussi. Ça, c’est une relation directe. Il y aura d’autres moments ou il y aura d’autres relations. Oui ?
Étudiant 4 : Euh pour vous la transformation de soi en tant que comédien, elle se passe plus par le corps, par la transcendance des émotions, ou par le texte. Est-ce que c’est le texte qui peut faire passer d’un état à un autre ?*
Thomas Richards : Dans un sens c’est bien de chercher qu’est ce qu’on a : on a le corps, les émotions, la vitalité. Mais à la fin on doit oublié ça, parce que souvent les méthodes de travaille qui découpe l’homme, porte à un art très artificiel, pas organique et donc pas vivant. Je ne dis pas mauvais, car un art très très articuler peut être très fascinant est avoir beaucoup de sens, mais il n’y aura pas d’organicité. Cette organicité advient lorsque la tête, les émotions, le corps deviennent une chose. Et c’est très important de le comprendre en tant qu’acteur. Une autre chose, c’est que les états n’existent pas : c’est la leçon n°1. L’état c’est une chose statique, chaque fois qu’un acteur cherche un état il est faux. Et souvent tu vois un acteur qui cherche l’état: « ah je veux être triste ». Et il commence à pompé c’est évident. Le processus émotif dans la vie s’est compliqué, ça bouge comme une fleure. Et un acteur doit savoir habiter ça, vivre ça, alors le corps est très important. Parce qu’on ne peut pas figer les émotions, mais on peut figer (pas dans un sens géométrique ou athlétique) les actions physiques. C’est pour ça que Stanislavski à parlé des actions physiques, comme ça les acteurs ne pensent pas à influencé leur émotion.
« AAAAAAAAAAH (il tape sur la table) NE DIT PAS ÇA À MOI ! »
Moi maintenant je ne suis pas fâché, mais je commence à le devenir. Je ne suis pas fâché, je fais mes actions physiques, impulse, voix, comme si j’étais fâché. Je ne suis pas fâché, mais j’ai fait exactement comme si j’étais caché. J’avais la sensation de comment j’avais frappé la table à un moment où j’ai était très fâché contre ma femme. – Ce n’est pas toujours si terrible entre nous hein ! – Et voilà, les émotions suivent, comme l’eau, à cause de ce que tu fais. Alors, ne cherche pas un état et surtout, tu as demandé : « c’est plutôt à travers le corps, c’est plutôt à travers les émotions, c’est plutôt à travers ça ? ». C’est à travers toi, ou à travers un acteur si tu es metteur en scène. Tu dois voir qui est devant toi, tu dois sentir ce qui est vivant ou non, tu dois réfléchir sur le sens de tout ce que vous faites. Et ça, c’est le plus important. Je donne un stage AFDAS, ici, à Marseille, et j’ai beaucoup apprécié la première présentation des acteurs. C’était pas mal. Normalement dans un premier jour de stage tu vois des choses complètement clichées. Ce n’était pas complètement cliché, mais le problème est arrivé quand ont commencé à développé le travaille et la question : « – Tu fais ça pour quoi ? Qu’elle ait le sens de ça ? … – Oh, monsieur, surtout je ne cherche pas de sens, c’est de la poésie !! » C’est comme si les acteurs marseillais étaient en train de jouer Artaud. Alors ils s’autorisent à faire n’importe quoi. Il manque la responsabilité de prendre des décisions. Et les gars ça c’est les joies de l’art: de prendre des décisions : « On va travailler sur ça ! ». Sur ce thème d’une fille de 14 ans dans ce coin de Marseille, de papa et de l’oncle dans ce petit bar, avec cette odeur très spécifique. Et sur ce qui s’y est passé, pourquoi, l’organisation entre les êtres humains. Et là on prend une décision et on rentre dans un territoire qui nous demande beaucoup parce qu’on doit réfléchir sur des choses difficiles et chercher à donner – pas un point de vue – mais de pousser notre compréhension de nous même. Et si on fait ça, là, on a une chance que ton acteur récite avec tout son être.
Étudiant 5 : Je voudrais savoir ce que vous allez chercher dans la tradition vaudou, haïtienne, par rapport à la transe, la théâtralité, le quotidien…*
Thomas Richards : Le travail sur les chants vaudou haïtiens à commencer, je crois, à la fin des années 70. Grotowski a travaillé dans des lieux de cérémonie avec deux prêtres. Il est parti là-bas pendant 7 ans, il y était même si souvent que les gens d’Haïti pensé qu’il habitait là-bas. Pourquoi Grotowski était attiré par cette tradition là ? Parce que dans la tradition afro-caribéenne, le processus méditatif ou de concentration de ces énergies dans un moment, existait dans un processus de corporalité vivante. Dans la tradition Indou, on trouve des techniques de méditation avec le même type de processus, avec une staticité du corps, on se met dans la position du lotus. On se met dans une position dans laquelle, même si on perd la concentration, le corps va rester debout, et focalisé notre respiration, nos pensées d’une manière tel que ce type de transparence intérieure puisse apparaître. Dans la diaspora africaine, le corps est engagé dans l‘art. Ça pour Grotowski c’était organique, parce qu’il était expert du travail sur le corps et sur la voix. Et ces traditions sont fortement basées sur les chants traditionnels où le chant est un véhicule pour réveiller des endroits énergétiques qui existent dans la corporalité. Alors même s’il était blanc, et qu’on aurait dit une sorte de père Noël, avec une grande barbe blanche. Il s’est retrouvé dans une relation forte avec cette tradition. Il faut bien comprendre qu’il n’était pas juste engagé dans cette tradition, il a travaillé sur certaines traditions indienne, mexicaine, africaine et aussi dans son travail il y avait une très grande influence de l’ésotérisme chrétien. Moi mon papa vient des caraïbes, ma maman blanche vient du Texas, du pays de G Bush. Ils se sont rencontrés et mariés, un noir et une blanche, à New York dans les années 50. Mais moi dans mon enfance j’ai grandi dans une école juive, complètement coupé de mes racines africaines. Alors travaillais avec moi ces traditions afrocaraibeen étaient un moyen utile naturelle pour affiné notre travail. Et par la suite c’est devenu ma spécialité. Et ça reste dans mon travail aujourd’hui. Même si on travaille sur différent chant et tradition qui souvent viennent des différents héritages des membres de l’équipe. Si vous voyez notre nouvelle pièce the underground, qui est basée sur un texte de Dostoïevski, dans laquelle il y a aussi des chants traditionnels. Ces chants sont un héritage des différents participants de cet acte théâtral.
Ça, c’était ta question, il y avait une deuxième partie ?
*Étudiant 5* : Par rapport à la transe…
Thomas Richards:** Ah oui. Grotowski te dirait qu’il n’aime pas ce mot : Transe. Pourquoi ? À cause du faîte que c’est comme « état » dans notre tête occidentale on peut penser à la transe comme une chose où on arriverait au sommet d’une montagne et voilà, on est là, on est en transe. Mais le processus sur lequel on a travaillé ce n’est pas du tout que la recherche d’une position, mais la recherche d’un processus qui est même l’opposé de ce qu’on peut penser d’une transe. Parce qu’il y a une accélération si rapide des pensées. Dans ce type de transparence, le mot transe n’est pas valable. Mais avec ce mot tu fais référence a quelque chose d’important, de spéciale, qui n’est pas quotidien…
Étudiant 5 : Surhumain ?
Thomas Richards : Surhumain… Ça, c’est fascinant, c’est un grand mot surhumain !! Mais en tout cas, c’est compliqué de parler de ça. Parce que c’est beaucoup plus facile de parler des choses humaines. Parce qu’au final c’est les choses humaines qui nous font devenir un canal transparent, ou les choses humaines qui nous possèdent avec la passée, le futur, etc. De manière à ce qu’on soit dispersée. Mais si on travaille sur l’humain, avec une très grande qualité, c’est vrai qu’une personne faite partit d’une chose beaucoup plus grande qu’elle. Et la joie c’est ça, on est tous en train de mourir, c’est en train d’arriver, on sait qu’on va mourir, mais on l’oublie toujours. On a caché en nous un désir désespéré de tangiblement être en contact avec quelque chose qui n’est pas juste notre petit monde. Et même si je regarde ma vie, j’ai 55 ans, les moments dont je me rappelle sont les moments où j’ai eu l’impression d’être en contact avec ça, quelque chose de plus grand que moi. On est peut-être plus, on a tous ce type d’événement, ça peut être dans un acte d’amour, de fusion totale avec un autre, dans une conversation où c’est comme si le temps avait disparu pour un instant. Tu parles toute la nuit et le temps n’existe plus et tu as une joie, une chose qui circule entre toi et ton amie et ce n’est pas juste toi. Pour un instant tu es sorti de ton petit trou. Et en ce sens le oui, le travail est ciblé : c’est humain, ce n’est pas humain, c’est surhumain.
Étudiant 6 : Est-ce que c’est possible aujourd’hui de monter une troupe ?
Thomas Richards : Une troupe, difficile, aussi à cause des circonstances, en France je ne peux pas dire. Pour te répondre, il y a deux réponses. Premièrement le côté technique, du côté du métier, moi j’enseigne dans tout le monde : Asie, État-Uni, Amérique du Sud, Europe… Je vois beaucoup de situations dans le théâtre d’aujourd’hui. Le métier est en descente totale, totale, c’est comme en musique, c’est comme si tous les musiciens avaient oublié les octaves. J’ai rencontré beaucoup de jeune personne ou de personne âgées qui ne connaissaient pas les bases. Ils ne connaissent pas les différences entre chercher un état et faire une action. C’est difficile de trouver des qualités, alors on peut monter une troupe, mais la question c’est : quelle est la qualité de la troupe, c’est une vraie préoccupation.
L’autre partie de la réponse c’est la question de la survie : oui c’est possible, mais c’est difficile ! Ce n’est pas comme dans les années 50 où un gouvernement communiste subventionnait les acteurs. Grotowski en parle dans son essai à la fin du livre, peut être qu’il faut relire son texte (ndrl. De la compagnie théâtrale à l’art comme véhicule). Il parle de la difficulté de fonder une troupe théâtrale aujourd’hui. Ce n’est pas une action passive, même Ariane Mnouchkine a dit : « fonder mon théâtre aujourd’hui serait presque impossibles ». Elle peut exister parce qu’elle est là, donc ça continue. Mais c’est toujours possible, et finalement cette question n’est pas vraiment une question parce que si je dis a une jeune personne : « oui c’est possible ! ». Ce serait complètement bête : parce que c’est possible s’il a la force et l’intelligence de le faire. C’est possible s’il a le charisme pour aller convaincre les gens de travailler avec lui, obtenir des subventions pour son travail… Qu’est-ce que je vais dire à mon fils : « Non, non, non, fils, c’est impossible aujourd’hui de monter une troupe de théâtre ». Je serais un père terrible, triste : Il peut faire ce qu’il peut faire, s’il peut le faire. Et j’espère avec beaucoup de qualités.
Étudiant 7 : Par rapport à ce que vous venez de dire le manque des bases des acteurs. Est-ce que vous avez une idée de ce à quoi c’est dû ? Est-ce que c’est un manque d’apprentissage dans l’institution ?
Thomas Richards : Oui je crois que le monde a changé. Et le théâtre cherche son utilité et c’est difficile pour lui de la trouver. Dans le temps de Stanislavki le théâtre était un endroit où ont allées avec l’envie humaine d’entendre des histoires. On a cette soif d’histoires. Mais maintenant, et c’était déjà le cas au temps de Grotowski, mais c’est pire maintenant, on à la télévision, on a les films et maintenant on a internet. Chaque fois que je veux une histoire, hop. Même sur mon iPhone j’ai mes petites histoires, tout change, l’utilité du théâtre pour moi est vraiment discutable. C’est vraiment un endroit pour moi très important et très spécial. Grotowski a dit : « Le théâtre pour survivre, dans une manière vivante, doit travaillé sur ce qu’il a, il ne doit pas prétendre être la télévision ou un film, il doit travaillé sur la qualité de présence humaine en face a face. Et ça, c’est la chose qui rend le théâtre unique. Alors chez les acteurs de cinéma je ne vois pas la même descente, mais c’est un territoire autre : tu fais ton action une fois, tu peux te tromper dans ton action et ça peut fonctionner. (Il mime des pleurs) Tu pompes une fois et hop c’est finit. Sur scène si tu dois le faire 50 fois ça ne fonctionne pas. Alors je crois que c’est à cause de ça et c’est aussi, je crois, un métier très très difficile : la musique c’est difficile, mais tu vois il y a une mécanique dans la musique qui est très concrète : ou tu touches juste dans le moment juste, ou, te ne le fait pas. Et l’objectivité de ça est très nette et très claire : Exercice ! Exercice ! Exercice ! Dans le théâtre on à la littérature, un processus vivant, un phénomène qui se répète jour après jour, mais qui doit tenir cette vie. C’est un événement avec différentes dimensions. Alors c’est un métier très compliqué. Comme Stanislavsky le dit bien : le travail de l’acteur sur soi-même implique déjà la nécessité de travailler sur soi. Ce n’est pas facile. Et à cause de notre désir, on est vraiment fainéant et vaniteux. Alors c’est facile que le théâtre qui touche les questions d’un être humain qui s’exhibe, qui est vous pas les autres, soit pris par certaine inertie, certaine partie de notre personnalité qui nous guide vers une certaine forme de superficialité ou de manque de travaillé……. Voilà Merci beaucoup.