Matéo Mavromatis

Doctorant Arts et Esthétiques de la scène Aix Marseille Université

Tout est dit ! – Critique de Tirez par les cheveux #critique

Ce vendredi se jouait dans le petit théâtre du petit matin Tirez par les cheveux, un spectacle de la compagnie La Biche Volante mis en scène par Marie Gaidioz. Monté dans le cadre du festival Le Dire des femmes – mené de front par Nicole Yanni, ce spectacle explose les conventions avec méthode et folie.
Trois femmes sur un plateau, trois tabourets, deux chaises sur le côté. Sur l’une des chaises à cours, les cheveux mouillés, la comédienne Justine Haye lit un magazine, elle est entourée de ses capes noires que l’on ne trouve que dans les salons de coiffure. Posture, attention, elle est dans son rôle. Sur l’un des tabourets Marie Gaidioz, affublée d’une perruque blonde platine à l’allure on ne peut plus fausse, regarde un miroir invisible, ne résiste pas à l’envie de se tourner vers les spectateurs, comme déjà un entre deux. Enfin tout à jardin, Nina Josse, sans costume, sans magazine, s’adresse à la salle directement : elle est elle. Et déjà, avant même le premier mot, l’affirmation que ce spectacle va tout se permettre, tout exploser des conventions, théâtrales comme sociales.
Face au miroir invisible de ce salon de coiffure s’entremêlent à la première personne les témoignes écrit par les trois actrices. Et peut être voient-elles dans le miroir ce que nous ne pouvons pas voir d’elles : l’image qui leur est renvoyé quotidiennement, l’image qu’elles se renvoient à elles même, celle que peut être et sans même s’en rendre compte le spectateur s’est déjà fait d’elles. Tout consisterai alors pour le spectacle à faire voir enfin cette image, la faire apparaitre pour pouvoir la briser. Et c’est en miroir qu’il est conçu, ce spectacle, avec en Hémistiche une déformation Carrollienne au son de Final Countdown. Durant toute une première partie on entend les témoignages de ces trois femmes qui nous sont livrés à grand renfort de métaphores poétiques et d’humour, comme peut être ce serait le cas dans un lieu social. Puis tout ce renverse, la salle devient le plateau, les tabourets changent de direction, les actrices se lèvent alors qu’elles étaient assises : on passe de l’autre côté du miroir.
Autre style de jeu, autre théâtre et l’impossibilité donc pour le spectateur de s’assoir sur ses acquis, de prévoir quoi que ce soit, il est maintenu à vif. Alors, devant lui, chaque actrice se révèle et à mesure que ces moments de jeu gagnent en précision et en intensité, les femmes apparaissent fortes de leur contradictions, de leur diversité, de leur sincérité. Alors, lui sont re-dit les mêmes histoires, les mêmes mots que précédemment. Et alors il les comprend, lentement, mais avec une force décuplée du faite qu’il savait : tout lui avait était dit mais il n’avait pas compris. Tout était là et il avait rit comme on rit d’une mauvaise blague machiste. Avec cette vision déformée du réel lui apparait enfin la réalité des fait. C’est peut être ça en fin de compte le théâtre, un miroir grossissant qui révèle les non dit de nos sociétés sans jamais se détacher d’une poésie acidulée.
Tout finit par une course, une fuite peut être mais vaines puisque sur place. Mais quoi de plus fou qu’une course sans but, une course qui fait apparaitre les ventres, décoiffe les cheveux, froisse les habits, fait tomber la perruque, fait transpirer et couler le maquillage. Toutes trois sont tellement différentes, à aucun moment le spectacle ne permet de généraliser « les femmes », qu’on a voulu nous présenter comme autant de Simone indifférenciées mais qui brillent à ce moment par l’unité de leur lutte infinie. Assumant leur différence, elles courent dans la même direction. À défaut de pouvoir courir avec elles, le spectateur emporte avec lui la mémoire de ce geste. Tout est dit, il suffit de bien vouloir entendre.
Enfin… ce soir là. Parce qu’encore faut-il laisser la place à l’expression. Rien de tout cela n’aurait été fait si depuis 15 ans le petit théâtre du petit matin n’ouvrait ses porte aux dires des femmes, au jeunes compagnies, à la folie radicale d’une révolution théâtrale et humaine.

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