Matéo Mavromatis

Doctorant Arts et Esthétiques de la scène Aix Marseille Université

Comment Uma Thurman danse au son de « c’est la vie » dans Pulp fiction  ? #Dramaturgie

Comment Uma Thurman danse au son de « c’est la vie » dans Pulp fiction  ?
C’est la question posée par Marie Gaidioz, autrice, metteuse en scène, mais surtout comédienne. Comment une artiste peut-elle se mettre a danser alors qu’il semble admis comme allant de soi que les rapports sexuels, de travail, de santé, d’être à soi et aux autres sont mise en scène par le patriarcat.
Marie est comédienne, elle va donc offrir ses questionnements au théâtre. Et le théâtre va se déconstruire, se remettre en question formellement au contact de ses interrogations.
Comment mettre en scène du théâtre alors qu’on est soit même comédienne et que l’histoire récente a mis en dominance la figure du metteur en scène. L’oublié, laissée la parole à d’autre.
Comment même commencée si le théâtre, ses codes, les histoires, la manière de les racontées, sont, elles aussi, normées par le patriarcat ? Il faudra se reprendre, hésiter, bégayer.
C’est donc un théâtre de l’esquisse, un théâtre en train de se faire, un théâtre qui laisse les coutures apparentes : non parce qu’il n’est pas travaillé, mais parce qu’il se refuse d’être dans l’illusion bourgeoise du narratif, d’être un bel objet finit, donner a une salle de voyeur. C’est un théâtre en train de se faire, qui requestionne constamment ses codes à mesure qu’il interroge la vie. Et si ce n’était pas la vie ? Déconstruire le théâtre pour déconstruire le récit, déconstruire le récit pour essayer d’enfin dire sa vérité.
Qu’est-ce que serais un théâtre nouveau, horizontal, où l’on aurait le temps de parler, de se questionner, de remettre en cause ? Comment mettre des mots sur l’indicible ? Comment faire voir, comment faire penser, comment faire sentir ?
Ces questions la pièce ne les pose jamais, car elle trop occupée à les mettre en jeu, à en faire théâtre. Jamais elle ne se perd en discours abstrait, tout n’est que situation. Concrète, petite, précise. Dans Contre le Théâtre Politique Olivier Neuveu parle de l’importance du petit pour saisir le concret de la situation : « S’attacher au «Petit» [c’est tenter] de cerner la tension qui se noue entre la nécessité du détail et l’immensité de ce qu’il y a à embrasser, entre le fini et l’infini, l’accessoire et le gigantesque, le prosaïque et la démesure. Le «Petit», c’est la contrainte du castelet, fût-il agrandi aux mesures d’un stade, déployé en pleine rue, ou rapporté aux dimensions d’un corps.» Et de citer Sony Labou Tansi : « Je travaille sur le théâtre parce qu'il est la meilleure possibilité de mettre les choses à la dimension du corps, du sang, de la sueur, de l’aura, du muscle qui dit sa part du monde à voix basse ou bien à haute voix. L'acteur est la seule occasion qui nous reste de donner la chair de poule aux choses et à l’idée.»
« Montrer la pensée en train de faire » répète le texte comme un mantra.
Marie Gaidioz va donc mettre en place des figures, des poupées, qui auront des rôles multiples, complexe, qui dialogue entre elles pour tenter de trouver l’issue, trouver les mots justes.
Après un traumatisme on parle de dissociation psychologique, on est mis en morceau. Il faut se réunifier. Il y a eu traumatisme, et là c’est par la mise en place d’un dispositif théâtral polyphonique que la réunification va pouvoir se faire, non sur scène, mais en chacun. Ce dispositif est pensé pour mettre en place la sensation de l’écriture, tout ce passe dans la tête des spectateurs qui n’en sont pas, ce sont eux les acteurs du récit, à la manière de l’autrice, ils recréent les évènements, vivent avec elle, s’imaginent, recréent, réunifie.
C’est une forme chaotique, qui se perd et nous perd, mais il ne faut pas oublié qu’il est question d’appendre à danser sur les cendres d’un patriarcat mise a feu par #metoo, danser sur une industrie culturelle qui a mis a l’honneur et fait vivre nombre de criminels sexuels, danser sans entendre les « c’est la vie », c’est comme ça, on ne peut rien y faire, danser comme Uma Thurman, comme une femme émancipée, comme une femme réunifiée, danser comme une étoile, danser comme une impératrice.
« Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. »
Zarathustra

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